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L’île de Skye

En avril dernier, alors que je commençais à penser aux vacances d’été, je ne rêvais que de chaleur, de cigales et de thé glacé siroté à l’ombre d’un figuier – le rêve des gens du nord privés de soleil et de ces ciels « hauts » à l’azur étourdissant. Je voulais retrouver l’insouciance que procurent les longues journées de pur beau temps comme lorsque nous étions petits et que les vacances s’étiraient alors en deux longs mois de jeux, de baignades, de soleil et de lecture … J’avais repéré pour cela la maison idéale nichée au cœur de l’Andalousie. J’étais prête à la louer en un clic mais c’était sans compter sur la lenteur de Monsieur Bruxelles – je suis certes une balance indécise sauf pour ce qui est des plaisirs que nous devons nous accorder avant de ne plus pouvoir en profiter. Ma cousine Lucile a d’ailleurs, il y a quelques temps, formulé comme une évidence ce que je pensais de façon légèrement confuse : il ne faut jamais remettre à plus tard ce que l’on veut faire car ensuite, qui sait ?… Elle a raison. Cela dit, la vie et ses contraintes ne permettent pas de tout décider en un clic … La maison andalouse, il fallait s’en douter, fût louée à plus rapide que moi. Je n’en voulais pas d’autres. Je suis comme ça. Aussi, un peu par dépit, je changeais mes plans du tout au tout et proposais à Monsieur Bruxelles – ravi d’échapper à la chaleur andalouse – le nord du nord de l’Ecosse. Après tout, j’avais toujours rêvé des Hébrides et de landes sauvages. L’occasion se présentait. Il fallait la saisir (n’est-ce pas Lucile ?)…

L’Ecosse est vaste et décider d’une parcelle à découvrir me prit quelque temps.

Je n’ai jamais aimé sillonner à la vitesse de l’éclair un pays, des paysages pour finalement ne rien voir. Je préfère m’imprégner, voir, revoir, regarder et avoir le temps de me créer des habitudes (ce qui permet selon moi de vraiment s’approprier un endroit). Se lier avec la boulangère ou nos voisins éphémères donne l’illusion d’être, pour un temps, « de là-bas » et de faire des rencontres. Et puis, il y va des pays comme de l’art, on ne peut apprécier et l’un, et l’autre sans prendre son temps.

Aussi, nous décidâmes de séjourner tout d’abord une semaine sur l’île de Skye puis une autre semaine encore un peu plus au nord, à Inverkirkaig, petit village côtier du Ross occidental.

Vendredi 29 juillet, levés aux aurores, nous avons filé vers Dunkerque pour prendre le ferry jusqu’à Douvres et faire route jusqu’au sud de Glasgow.

Je pensais détester les longs trajets en voiture (moi qui n’aime rien tant que l’avion, moyen de transport le plus poétique qui soit) mais j’ai adoré cheminer à travers les paysages changeants : traverser les vallonnements du Kent, franchir la Tamise, frôler la région des lacs et aborder enfin les Lowlands.

Le lendemain, nous avons repris la route, longé le loch Lomond, le Glen Coe, le canal calédonien, le Glen Shiel (et les Five Sisters).

 

Puis enfin Kyle of Lochalsh et le pont vers notre île !

L’île de Skye parfois appelée « l’île ailée » ou, en gaélique écossais, Eilean a’ Cheò – « l’île des Brumes » !

Mon géographe de père m’avait, alors que je préparais mon voyage, donné une information qui m’avait laissée à la fois pantoise et songeuse : « Tu vas séjourner sur le socle de la terre ! ». Rien que ça …

La géomorphologie (science passionnante s’il en est – je regrette parfois d’avoir fait les beaux-arts) explique le paysage. Collision des plaques tectoniques, orogenèse, éruptions volcaniques et chambres magmatiques prémices des montagnes d’aujourd’hui, glaciation, déplacements, métamorphisme et plissement des roches en des temps immémoriaux aux noms de dieux ou de fées … Les plus vieilles roches du monde se trouvent en Ecosse et les volcans et les glaciers façonnèrent Skye ; une île – je n’allais pas tarder à m’en apercevoir – faite pour les dieux et les fées …

Skye, la plus grande île de l’archipel des Hébrides intérieures est souvent décrite comme un concentré d’Ecosse : montagnes austères, semis de moutons, landes roses de bruyères, lochs, lacs et la mer tout autour …

Pour vivre le paysage – ce qui pour moi sous entend: regarder, dessiner et faire des pauses-thé -, la lenteur nécessaire de la marche, tous les sens en éveil, s’imposait. C’est donc avec cartes au 1/50 000 et programme de randonnées préparé au millimètre que nous comptions découvrir notre île. Je m’étais chargée – hérédité organisationnelle oblige – de préparer nos ballades (circuits, durées, dénivelés, intérêt géologique et botanique …). Mon sens de l’organisation en agace plus d’un mais j’ai toujours pensé qu’une préparation perlée permettait justement la flânerie et la contemplation et n’empêchait nullement d’emprunter les chemins de traverse pour s’égarer gentiment.

Nos promenades nous menèrent souvent hors des circuits trop balisés et encombrés des curiosités touristiques. L’île a beau être vaste et quasi déserte, les humains-moutons s’agglutinent toujours aux endroits signalés par 3 étoiles dans le guide Michelin … Nous avons bien sûr contemplé The Old Man of Storr et traversé le massif des Quiraing mais sous les averses et en tentant de résister à un vent furieux (nous sommes en Ecosse !) qui vidait les lieux et les abandonnait à la brume et aux seuls courageux.

J’ai donc choisi de partager quelques unes des balades qui m’ont enchantée … Pas de carte-postale juste des coups de cœur.

Comme celle longeant le loch Brittle jusqu’à la pointe de Rubha an Dùnain. Première ballade pour nous « mettre en jambes » et nous émerveiller des couleurs de la mer, du ciel, de l’herbe piquetée de fleurs minuscules et des bruyères jusqu’au rivage.

Ou Neist Point tout à l’est de l’île.

Au bout de la presqu’île, un phare abandonné.

Depuis le phare j’ai adoré la vue sur la mer avec, au loin, sur la ligne d’horizon la silhouette des îles d’Uist (Hébrides extérieures)….

Et ces falaises plissées comme une étoffe de Fortuny …

La plage du loch Brittle, à nouveau …

… point de départ d’une randonnée dans les Black Cuillins, les montagnes les plus hautes de Skye (993 m).

Nous sommes passés au sud du loch an Fhir-bhallaich en direction du cirque Lagan.

Puis nous sommes accordés une pause-thé dans les bruyères. Nous emportions toujours un litre de Ceylan brûlant que nous dégustions accompagné le plus souvent de délicieux sablés tout en admirant le paysage. Randonnée, oui ; mais il fallait que cela reste un plaisir. Et puis, la nature est le salon de thé que je préfère …

Sur l’île, l’eau est partout. Et bien souvent, on l’entend avant de la voir. Tout petits filets d’eau traversant les chemins, ruisseaux, torrents, cascades, rivières …

Arrivée dans le cirque Lagan (600 m) et son petit lac d’eau glacée. Rochers de basalte. Calme absolu.

Une fois n’est pas coutume. Virginie M. apparaît sur la photo (pestant quelque peu d’être prise en photo …). Mais le plus intéressant est d’apercevoir en contrebas le loch Brittle et les îles d’Eigg et de Rum à l’horizon.

Sur le chemin du retour …

… un mouton

… Non, deux moutons ! Une brebis et son petit. Etonnés mais prenant le temps de nous observer longuement ; ce qui nous a permis de les observer également longuement tout en les complimentant sur leur beauté ! Ce qu’ils n’ont pas fait en retour !

Toujours le chemin du retour dans la vallée de Glen Brittle.

Et un autre mouton devant les Cuillins.

A Skye, les moutons sont libres, se déplacent seuls ou par petits groupes, bondissent sur les routes à voie unique (ces toutes petites routes de la largeur d’une voiture), font la sieste dans les fossés tapissés de fougères, allaitent leurs agneaux sur les « passing place », aménagés à intervalles réguliers afin que les véhicules puissent se croiser), ou avancent tout simplement de la façon la plus nonchalante qui soit, laine bouclée au vent, maitres de la lande et du temps … Ils sont chez eux. L’île est leur domaine.

Retour au point de départ, la plage du loch Brittle à la tombée du soir…

La route du retour à notre cottage passait souvent par Portree, la ville principale au centre de l’île puis par Sligachan où la vue sur les Cuillins au crépuscule me ravissait.

Coral Beach, sur la rive du loch Dunvegan, est l’une des curiosités incontournables de l’île. Je m’attendais donc à être légèrement déçue. Mais bon, je voulais voir, quand même … Nous avons garé la voiture au bout d’une route en cul de sac, emprunté le chemin sableux et tourbeux qui y mène. J’ai marché, impatiente malgré tout puis j’ai presque couru quand, depuis le sommet d’une colline, je l’ai aperçue, étincelante et irréelle sur le bleu indigo de la baie. Une merveille inattendue. Une féérie.

Nous y avons passé plusieurs heures à savourer les bleus et les verts, les roches noires, la merveilleuse transparence de l’eau et ce corail qui n’en est pas.

[Le « sable » de cette plage est en fait constitué de petits débris calcifiés d’une algue -Lithotamnium corrallioides – (maërl), de fragments coquillages et de sable]

Loch Dunvegan

Loch Harport

Talisker Bay

A l’est de Talisker Bay, dans le petit village de Carbost, nous avons dégusté les meilleures coquilles Saint-Jacques du monde (pour un prix défiant tout concurrence : 10 livres, soit environ 12 euros pour 8 noix de Saint-Jacques d’une qualité exceptionnelle). The Oyster Shed, outre une production d’huitres, propose crabes, langoustes, moules, langoustines des Hébrides sans oublier le saumon ; le tout directement de la mer à l’assiette. On peut y déjeuner sur place, sur des tables de bois brut, en contemplant les nuages au dessus du loch Harport.

Admirez la taille généreuse de ces Saint-Jacques servies avec un beurre à l’ail et de grosses pommes-frites (alliance locale étonnante mais finalement délicieuse).

Nouvelle randonnée à Rubha Hunish à l’extrême pointe nord de l’île.

Comme très souvent, les sentiers deviennent de simples traces puis se perdent dans la lande tourbeuse. « Very boggy in places » signalait très souvent Walking Higlands (le site de référence pour la randonnée en Ecosse) dans le descriptif de ses circuits. Eh bien oui, je vous confirme que parfois, c’était très boggy boggy. La tourbe gorgée d’eau est certes souple sous le pied mais mieux vaut avoir de bonnes chaussures de marche parfaitement étanches.

Cela dit, les tourbières voient s’épanouir durant l’été la linaigrette (Linaigrette à feuille étroite – Eriophorum angustifolium) dont les soies ne sont pas sans rappeler, je trouve, la laine des moutons.

Au nord, sur l’horizon, l’île de Lewis & Harris.

Parfois, nous faisions d’étonnantes rencontres … des vaches Highland libres comme l’air et se baladant, comme nous, des collines à la mer.

Et d’autres vaches, pour nous tenir compagnie lors d’une séance de dessin sur les hauteurs de Kilmaluag sur la côte nord-est.

 

Les Quiraing au nord de la péninsule de Trotternish

La baie de Staffin

La route du retour à notre cottage …

A Skye, le merveilleux est partout. Le merveilleux des contes et des légendes (si loin des images formatées créées à grand renfort d’effets spéciaux et dont on abreuve les pauvres enfants d’aujourd’hui). Un vrai merveilleux à portée d’œil, à portée d’oreille Il faut simplement s’immobiliser dans le vent, s’assoir face aux îles posées sur l’horizon, suivre la course des nuages, écouter le murmure des sources, se laisser surprendre par une toute petite grenouille rousse des tourbière, des rochers bleus, par la brume flottant sur les lochs, les collines roses et mauves, les orchidées cachées comme des trésors dans les fougères hautes, se laisser bercer et envahir par l’esprit de l’île, l’esprit de l’Ecosse …

Féérique, tout simplement féérique.

 


Pour préparer vos randonnées en Ecosse et dans les îles des Hébrides : http://www.walkhighlands.co.uk/


 

4 commentaires

  1. Rosette dit

    Chère Virginie, dès que j’ai eu la notification du nouvel article sur le blog, je l’ai ouvert et j’ai commencé à lire, très attentivement et avec concentration : ton vocabulaire est très riche, le jargon du géologie ne m’est pas si familier. Mais comme c’est intéressant et bien documenté. J’ai admiré les belles photos, quels paysages impressionants, j’ai souris en voyant ton portrait et oui j’ai aussi regardé les îles lointaines sur l’arrière-plan. Et je n’ai vu aucune goutte de pluie. J’ai voulu toucher les moutons, m’asseoir sur la plage corail, me mettre à côté de toi pour regarder comment tu dessines. Je m’imagine qu’écrire un récit tellement détaillée et sélecter les photos, prennent beaucoup de ton temps. Mais j’espère que tu nous emmènera vers la suite de ton voyage. Félicitations et merci pour avoir partagé!

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  2. Chère Rosette, mille mercis pour ton adorable commentaire !!! Je suis très heureuse que tu ais eu plaisir à découvrir l’île de Skye par le biais de mon article ! En fait, lorsque je poste un article, je me demande toujours si cela intéressera les éventuels lecteurs. Tu me rassures ! Et ton enthousiasme me va droit au cœur. Ton message, que tu as pris le temps d’écrire tout de suite après avoir lu mon article, est pour moi une vraie récompense !
    Je compte poster d’autres articles sur la suite de mon voyage dans cette Ecosse que j’aime tant et où, tu l’as constaté 😉 il n’y a parfois aucune goutte de pluie !
    Een grote dank lieve Rosette ! (et bravo pour ton français qui est excellent ! Ce qui n’est pas le cas de mon néerlandais …

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  3. Felicitations on this wonderful article Virginie! It was a wonderful read and I so enjoyed it! I have never been to Skye but it is on my list of places to visit because I have always heard that the scenery is spectacular and magical. I believe you have captured this perfectly in your wonderful photos, highlighted by your beautiful descriptions. Such breathtaking scenery – harsh and dramatic but oh so beautiful! I can only imagine just how refreshing and inspiring it must have been to visit and I am amazed because, although the temperatures look cool, you appear to have had clear skies and no mist or fog to obstruct the beautiful views! I loved the photos of the beautiful sheep and I was amused by the look the sheep appears to be giving Monsieur Bruxelles (I believe) as he is painting! Thank you for sharing this wonderful trip with us! I will read the next installment of your voyage tomorrow.
    – Kate xx

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    • Chère Kate, Merci pour ton adorable commentaire ! Je suis heureuse si mes photos ont pu te donner l’envie de découvrir cette île magique !
      Merci pour ta fidélité et tes encouragements (car des commentaires comme le tien sont de véritables encouragements à poursuivre ce blog) et mille excuses pour ma réponse si tardive.
      Virginie xx

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