balades & voyages
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Prête à partir …

Le voyage est finalement moins une destination et un nombre de kilomètres à parcourir qu’un état d’esprit. Certains naissent voyageurs, nomades, libres et curieux comme les chats (je suis de ceux-là) alors que d’autres, casaniers indécrottables, ne trouvent leur équilibre que dans le confort rassurant d’un quotidien à leur mesure.

L’un n’empêchant pas l’autre (vous commencez à connaitre ma devise), j’ai toutefois besoin d’un point d’ancrage apaisant ; ainsi, mon appartement est mon refuge que je n’ouvre d’ailleurs, à l’instar des japonais, que très rarement aux étrangers. Mes livres, un tapis moelleux, des coussins, quelques fleurs sur la table, du thé brûlant en toute saison, le calme me sont nécessaires. Ne pas encombrer, ne pas s’encombrer (je suis la spécialiste du « nettoyage par le vide ») mais s’entourer de quelques beaux objets, de galets-sculptures, de souvenirs de famille et de voyages. Un intérieur épuré, rangé, harmonieux et d’une propreté exemplaire m’est aussi indispensable que l’air que je respire. Certains font de la relaxation, moi je range et je fais le ménage … A la clef, sérénité, bien-être et idées claires.

Je suis en quelque sort une casanière-romano, une casanièromano

J’aime siroter un Darjeeling, un œil sur mes géraniums odorants et un livre à la main mais je n’aime également rien tant que l’aventure d’un voyage fût-il de quelques kilomètres.

Prendre la route ne serait-ce que pour aller se promener dans les dunes de Zélande ou traverser la Manche, c’est déjà voyager. Partir, permet de s’alléger, d’oublier pour un temps les contraintes et les tracas du quotidien. Notre esprit est alors disponible, tous nos sens sont en éveil, prêts pour l’émerveillement et la découverte (comme des enfants à l’orée de deux mois de grandes vacances dédiées aux jeux et à l’aventure). Et cette disponibilité que donne le voyage nous transforme. Durablement. Elle nous apprend à regarder et être ouvert à toutes choses. Même si je peux me perdre dans la contemplation d’un pied de mauve sauvage alors que j’attends que le feu passe au vert, m’arrêter devant un détail d’architecture jamais aperçu alors que j’ai pourtant déjà traversé mille fois la Grand Place de Lille ou être émerveillée par cette lumière si particulière propre au nord du Nord, être ailleurs me rend encore plus réceptive à ce qui nous entoure. Tout devient intéressant puisque tout est différent. Et, chose étonnante – peut-être l’avez-vous d’ailleurs expérimenté -, au retour nous portons le même regard neuf et attentif à notre environnement. Nous remarquons d’infimes changements et nous étonnons même des volumes de notre maison qui semble agrandie.

Mais c’est une drogue. Partez une fois, vous en redemanderez … Pourquoi rester immobile alors que le monde est si vaste et qu’il faudrait mille vies pour en faire le tour ?

J’ai à ce propos un souvenir précis. J’étais encore très jeune et nous avions voyagé, avec mes parents et mon frère, pendant près de deux mois dans les Balkans (c’était bien avant la guerre Croato-Bosniaque, Tito et Ceausescu étaient encore au pouvoir et les « Portes de Fer » bien fermées sur une réalité à la fois atroce et magnifique). Nous avions quitté la Roumanie et traversions Belgrade. Nous faisions route vers la maison et la rentrée des classes. Et, alors que je soupirais en me plaignant de devoir rentrer, ma mère m’avait dit « oh, moi je repartirais bien ! Et tout de suite ! On rentre juste pour faire quelques lessives, embrasser Mamie et Bon-Papa et, hop, on repart ! ».

Disons que j’ai de qui tenir …

Et je suis toujours prête à partir ; ou, en tous cas, avec des projets de voyages plein mes cartons (retrouver Venise cet hiver, découvrir le Japon au printemps …).

Pour l’heure, je suis prête à partir. J’ai sorti ma valise, mes listes (je fais des listes pour tout) et ai déjà préparé mes « essentiels », mes indispensables compagnons de voyage : du thé de Ceylan Dammann en petits sachets cristal (très pratiques en voyage ; il m’arrive souvent de ne commander que de l’eau chaude ayant toujours un ou deux sachet dans mon sac afin de pouvoir boire un thé digne de ce nom !), des cartes IGN au 1/25000 (les cartes sont les prémices du voyage …), des carnets pour noter et dessiner, mon Olympus et des livres …

Cet été j’emporte :

Perles de vies de René de Obaldia (Grasset), recueil de citations glanées par l’auteur tout au long de sa vie et qu’il nous livre comme « source de réflexions, méditations, voire matière à rire et à pleurer ». Je n’ai pu résister à l’envie d’en lire certaines …

Le chat : la sentinelle de l’invisible. (Obaldia)
Il faut beaucoup de temps pour devenir jeune. (Picasso)
Le monde est trop beau pour qu’on ne le remarque pas. (Sénèque)

Le train de Simenon (le Livre de Poche). J’emporte ce roman pour le lire (le relire en quelque sorte) après en avoir écouté l’adaptation radiophonique dite par Guillaume Gallienne. En mars dernier, un dimanche soir, alors que je revenais de la campagne, j’ai allumé la radio sur France-Culture. La lecture de ce roman venait de commencer. J’ai été intriguée, j’ai écouté, je me suis demandé qui pouvait mon dieu écrire aussi bien et je n’ai pas pu m’arrêter d’écouter, captivée. Arrivée devant chez moi, j’ai garé ma voiture et ne l’ai pas quittée, concentrée, écoutant les dernières pages, suspendue aux derniers mots d’un récit bouleversant et d’une incroyable justesse. Car c’est d’humain dont il est question ici, d’un homme ordinaire, un peu étriqué, que la débâcle de 1940 – ce temps hors du temps, ce temps extra-ordinaire – va libérer le temps d’un voyage en train de Fumay à La Rochelle. Quelques jours durant lesquels il sera libre – puisque hors de sa vie -, juste lui-même, comme il ne l’a jamais été – mais pour un temps seulement … Un héros humain, profondément humain, à la fois petit et lumineux, mesquin et généreux et surtout lucide, terriblement lucide. [Pour podcaster la remarquable adaptation radiophonique (Guillaume Gallienne est, je trouve, d’une justesse absolue), c’est ICI.]

Constellation d’Adrien Bosc parce que j’aime les avions …

Passé imparfait de Julian Fellowes (Sonatines) parce que j’aime l’Angleterre … et surtout que parce que Diane l’a savouré d’une traite et m’en a dit grand bien.

La Princesse des glaces de Camilla Lackberg (Actes Sud) parce que je n’aime pas les policiers mais que j’aime ceux-ci venus du froid.

Cosmos de Michel Onfray (Flammarion) pour en lire un chapitre par jour et me sentir un peu plus intelligente ensuite …

 

Et vous êtes-vous prêt à partir ?

 

 


 

3 commentaires

  1. Quel joli texte sur le voyage et le monde intérieur! C’est très agréable à parcourir. Si vous aimez les textes de voyageurs, je vous conseille L’usage du monde de Nicolas Bouvier. Ce n’est pas pour rien qu’il est au programme de l’agrégation de lettres.

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  2. Oui, vraiment, nos deux blogs sont animés par une communauté de pensées et de goûts. L’esprit du voyageur, qui connait le bonheur du voyage lui-même, parfois plus important que la destination elle-même. L’importance des rites (et du thé brûlant bien que le mien soit quasiment toujours du builder’s tea, ce mélange britannique très noir, très dense que l’on mélange à du lait frais et dans lequel on s’autorise à tremper un biscuit – anglais lui-aussi – ces merveilleux sablés appelés Digestive) d’un endroit-refuge avec nos choses, nos livres. Vous avez vos géraniums odorants, j’ai mes plants d’avocats et Mitsou le vieux chat complice. Comme vous ma jeunesse s’est déroulée comme une suite de voyages découvertes avec mes parents, Un apprentissage que j’ai transmis à mes enfants, le goût du voyage. Bon séjour à Venise. Je n’y serai maintenant qu’en mars. Bien à vous.
    Lorenzo

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