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Krakinoskis (gâteau russe à la rhubarbe)

À Doudeauville, pas de potager (il faudrait y vivre en permanence) mais de pleines potées d’herbes aromatiques, de fraisiers, de thulbagias, de verveine citronnelle, un énorme parterre d’oseille, de la livèche (ou céleri vivace), des fleurs comestibles et un grand carré de rhubarbe ; quatre beaux pieds qui se plaisent fort bien au fond du jardin (ombre et fraicheur du sol). D’avril à juillet, leurs grandes feuilles se déploient dissimulant des tiges striées de carmin, mini forêt tropicale refuge des grenouilles rousses.

J’aime, à la tombée du jour, enfiler mes bottes, empoigner un panier et traverser le jardin quand je viens juste de décider que j’ai bien envie de faire un gâteau à la rhubarbe ! Il m’en faut 4 ou 5 beaux bâtons que je casse d’un coup sec en tirant sur la tige. Je supprime leurs feuilles, les jette sur le tas de compost et regagne la maison sans trop me presser. L’air est plus frais, la lune, pâle croissant jaune paille, s’est levée dans un ciel sans nuage et le chant fluté d’une grive musicienne résonne dans le silence.

Cueillir ce que l’on va cuisiner est aussi prétexte à la contemplation …

Une fois dans la cuisine, les bâtons de rhubarbe seront épluchés, coupés en petits tronçons, saupoudrés d’un bon peu de sucre et mis ainsi à dégorger au frigo pendant toute la nuit. Demain le Krakinoskis sera réalisé en un tournemain ; ce qui en fait le dessert idéal lorsque l’on reçoit pour le déjeuner et que l’on est un peu pressé.

La recette de ce gâteau russe provient du vieux livre de cuisine de ma grand-mère « La véritable cuisine de famille par Tante Marie » dans une édition qui doit dater de 1925. Ce livre a perdu une partie de sa reliure et ses pages de garde, son papier jauni est taché de rouille mais c’est un trésor. Diane le conserve d’ailleurs précieusement dans sa bibliothèque à Doudeauville et lorsque je le manipule, je le fais avec grande précaution comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art. Ce livre est un souvenir de famille, un souvenir de ma grand-mère excellente cuisinière et dont certaines des spécialités nous font encore saliver aujourd’hui. Ses « oiseaux sans tête » (paupiettes de veau) accompagnés de petits pois frais et de purée – dont mon frère et moi faisions un volcan pour y faire couler la sauce – étaient un délice. C’était de la vraie cuisine familiale et saine, une cuisine d’avant l’ère vegan et gluten free, une comfort food comme on l’appelle aujourd’hui, qui rendait heureux (ce qui est quand même l’un de buts de la cuisine, non ?). Ce gâteau russe est du même ordre. Il s’agit d’un bon gâteau sans prétention, une pâtisserie de ménage comme on dit, familiale et sans chichi et dont je me régale depuis l’enfance.

Krakinoskis (gâteau russe à la rhubarbe)
La pâte est en fait une pâte à quatre-quarts. Cependant j’ai très légèrement adapté la recette – avec un peu plus de sucre afin d’atténuer l’acidité de la rhubarbe notamment lorsqu’elle est jeune ; vous pouvez n’en mettre que 180 grammes mais dans ce cas, le gâteau sera plus acide.

Ingrédients
3 œufs
180 g de farine
210 g de sucre en poudre (+ environ 100g pour saupoudrer la rhubarbe)
180 g de beurre
Une demi-gousse de vanille ou quelques gouttes d’extrait naturel
4 à 5 gros bâtons de rhubarbe (plus ou moins 1 kg)
Un moule à manqué de 23 cm de diamètre

La veille, après avoir épluché la rhubarbe, couper les tiges dans la longueur en 3 à 4 longs bâtons (en fonction de la grosseur des tiges) puis les débiter en petits morceaux d’environ 3 cm. Les mettre dans une passoire elle-même placée sur un plat creux et saupoudrer très généreusement de 50 g de sucre (la rhubarbe va dégorger et le plat creux permettra d’en récupérer le jus sucré absolument délicieux et qui pourra être utilisé ultérieurement – voir comment en fin d’article).

Le lendemain, préchauffer votre four à 210°c puis beurrer et fariner un moule à manqué.

Dans le robot, mettre la farine, ajouter le beurre très froid coupé en petits morceaux et mélanger jusqu’à obtention d’un mélange sableux. Ajouter ensuite le sucre (210 g), mélanger. Incorporer enfin les œufs et la vanille et mélanger jusqu’à obtention d’une pâte onctueuse.

Étaler la pâte au fond du moule puis la couvrir avec les morceaux de rhubarbe égouttés en veillant à les répartir de manière égale.

Saupoudrer de sucre (4 à 5 cuillères à soupe / 50 g environ) et enfourner pour 35 mn. Au bout de ce temps, vérifier la cuisson en piquant le centre du gâteau avec la lame d’un couteau qui doit ressortir presque sèche (la rhubarbe reste humide et la pâte ne doit pas être trop cuite). Poursuivez la cuisson si nécessaire encore 5 à 10 mn. Le dessus du gâteau doit être doré et les bords peuvent caraméliser très légèrement.

À la sortie du four, laisser le gâteau refroidir avant de le démouler.

Sans moule à fond amovible, il est parfois périlleux de démouler un gâteau et de le transférer sur un plat de service. Alors pour faire simple, sans risque et rapide je procède de la sorte : je place sur le dessus du moule une planche à découper et je retourne l’ensemble (le moule se retrouve alors à l’envers sur la planche elle-même posée sur le plan de travail), je donne une bonne tape sur le fond du moule afin de faire tomber le gâteau sur la planche. J’enlève le moule et positionne sur le fond du gâteau mon plat de service. Je retourne l’ensemble (le gâteau étant pris en sandwich entre la planche et le plat) et n’ai plus qu’à enlever le moule. Le gâteau est intact et parfaitement centré sur le plat.

Il ne vous reste plus alors qu’à le décorer avec quelques fleurs du jardin puis à le déguster à l’ombre d’un arbre en l’accompagnant d’une bonne tasse de thé …

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À réaliser avec le jus de rhubarbe :

Petite soupe de fraises au jus de rhubarbe
Répartir dans des coupelles le jus sucré (et bien froid) de rhubarbe – notez sa jolie couleur rose !-, ajouter de belles fraises coupées en morceaux et décorez d’une fleur de géranium Rosat. C’est simple et absolument délicieux ; les saveurs de la rhubarbe et des fraises s’accordant parfaitement. Vous pouvez d’ailleurs servir de petites portions de cette soupe avant le Krakinoskis.

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« La véritable cuisine de famille par Tante Marie » (éditions Taride) :
Ce livre contient des recettes bien sûr mais également des idées de menus pour des déjeuners et dîners maigres et des déjeuners et diners gras ainsi que des modèles de plans de table (pour un repas simple ou à la russe pour une repas de cérémonie avec serveuse …) et quelques règles de savoir-vivre. Une mine d’informations pour qui s’intéresse à l’histoire de la cuisine !

On y lit également dans le chapitre « invitations et préséances » qu’une maitresse de maison doit tout mettre en œuvre pour contenter ses invités et leur rendre sa maison agréable ; ce qui reste vrai encore aujourd’hui, sinon à quoi bon inviter des amis !?

 

 

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