à table !, l'heure du thé
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Gourmet à manger du foin …

Monsieur Ansel qui nous aide au jardin ne s’étonne plus de mes expériences culinaires pour lesquelles je sollicite son aide : cueillette de reine des près dans le jardin abandonné de notre voisin (pour aromatiser du vin) ou de fleurs de sureau dans les branches les plus hautes de l’arbre car là elles sont plus belles (pour aromatiser un cake). Et quand je lui propose de goûter feuilles de consoude, de tilleul, de sedum, ou bourgeons de sapin, primevères et autres fleurs comestibles, il me répond invariablement avec un sourire et une moue légèrement dégoûtée, que non merci, sans façons, il n’aime pas les herbes et les salades !

Au fil des ans, même s’il s’est habitué à notre consommation de plantes qu’il doit juger étrange et bien qu’il arrose consciencieusement nos plants de roquette, d’hysope ou de capucine, il n’en goûtera jamais ne serait-ce qu’une feuille ou un pétale. Malgré tout – et cela est devenu un jeu entre nous -, je continue à lui indiquer tout ce qui se mange dans le jardin en lui proposant d’y goûter, ce à quoi il continue à répondre « Oh non ! Vous savez bien que j’aime pas les herbes ! Et ma fille c’est pareil et mon fils aussi, on n’aime pas les herbes, les salades et tout ça, on est comme ça … » et nous rions tous les deux de bon cœur.

Néanmoins, cet été, lorsque je lui ai demandé « Dites monsieur Ansel, vous pourriez m’apporter quelques belles poignées de votre foin pour faire des crèmes dessert ? », il a ouvert des yeux ronds ; ronds mais intéressés. Il faut dire que le foin, c’est son domaine, lui qui dès le printemps vit au rythme des prévisions météorologiques dont dépend la fauche de ses prairies. Car couper du foin n’est pas chose aisée. Il ne faut pas de pluie avant, pendant et après la coupe, un temps sec, pas de grosse chaleur, un peu de vent et également que son voisin puisse lui prêter une machine à faire des ballots ; des ballots de petit format fort prisés des propriétaires de chevaux, ses principaux clients. « Ben, oui, bien sûr ! Combien vous en voulez ? Un seau, un ballot ? ». Je lui répondis qu’une simple belle poignée me suffirait qui devait infuser dans de la crème. Devant son air incrédule, je lui détaillais ma recette et lui promis de lui faire goûter le résultat. Ce à quoi, cette fois, il ne dit pas non …  Il m’en livra dès l’après-midi un grand sac qui embaumait et j’y plongeais presque tout mon visage afin de respirer de grandes bouffées de ce parfum délicieux. Je me dis que je comprenais tout à fait pourquoi « couchés dans le foin avec le soleil pour témoin » devait être une expérience sensorielle incomparable, un vrai luxe en fait. Je me mis au travail et réalisais en deux coups de cuillères à pot mes petites crèmes au foin. Nous les dégustâmes le lendemain, bien froides, en essayant d’analyser leur saveur comme on le fait pour un vin. Parfum herbacé, fleuri, indéfinissable. C’était étonnement bon !

Je tins ma promesse et en fit goûter un petit ramequin à monsieur Ansel. À la première cuillerée, sûrement soulagé, il s’exclama « c’est bon ! » et après avoir terminé sa crème sans rien en perdre (ce qui était bon signe), conclu sa dégustation par un : « c’était très délicieux ! ».

Si vous aussi vous souhaitez goûter cette crème « très délicieuse », voici la recette !

  • Crème dessert au foin et au miel

    Une petite poignée de foin
    40 cl de crème liquide entière
    4 jaunes d’œuf
    50 g de miel (préférez un miel de lavande, d’acacia ou toutes fleurs)

    Jetez la poignée de foin dans une casserole et couvrez avec la crème liquide. Faites chauffer. Lorsque le mélange frémit, retirez du feu et laissez infuser à couvert pendant 5 mn. Filtrez et portez à petite ébullition.

    Dans une jatte, mélangez le miel aux jaunes d’œuf jusqu’à obtenir un mélange mousseux. Incorporez la crème infusée à cette préparation et mélangez de façon à obtenir un mélange homogène.

    Versez le tout dans une terrine (ou de petits ramequins individuels) et faites cuire dans un bain-marie au four à 150°C, pendant 35 à 40 mn.

    Laissez refroidir avant de déguster.

Cette recette est extraite du livre d’Arnaud Bachelin « Dix façons de préparer le foin » aux éditions de l’Epure.

Dans ce beau petit livre vous pourrez également découvrir comment préparer un poulet au foin, des Saint-Jacques fumées au foin, de la gelée au foin … de quoi mettre « un peu de la poésie du foin dans nos assiettes ». Et comme le dit fort bien l’auteur, « Glaner des plantes sauvages, c’est faire partie intégrante de son environnement, le respecter et le contrôler. C’est prendre conscience des saisons. C’est l’honorer aussi. Le foin, ce n’est pas qu’une botte d’herbes sèches. Il raconte toute une prairie, tout un paysage, tout un écosystème. Le transférer dans nos assiettes, c’est en admirer et en goûter la vue. Et puis le foin, c’est un parfum qui, si l’on en croit nos voisins du Tyrol, est plein de bienfaits pour notre santé. Alors, n’hésitez plus, roulez-vous dans le foin, cuisinez-le, soyez bête à manger du foin. »

Petit conseil : utilisez du foin bio, sans aucun traitement chimique. L’idéal est le bouche à oreille à la campagne afin de dénicher un producteur. Sinon, pour les citadins, le foin se commande aussi via internet pour ce qui est du foin de Crau par exemple, le seul à bénéficier d’une AOC et d’une AOP.

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