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Vue de Delft

Je suis allée à Amsterdam pour voir les Vermeer. Juste les Vermeer – ceux de « l’exposition du siècle », comme on l’appelle, qui se tient jusqu’en juin au Rijksmuseum. D’Amsterdam, où j’arrivais la veille, je garde le souvenir d’une ville crasseuse, de canaux sinistres, de vélos lancés à fond de train et de tramways bondés. J’eus beau me forcer à trouver quelque attrait aux maisons noires et blanches et aux ponts jetés sur le Prinsengracht, ça ne fonctionnait pas. Le ciel était maussade et mon humeur aussi. Rien dans cette ville ne me plaisait. J’en voulais même à ceux qui m’avaient conseillé une balade dans le centre historique que j’allais – disaient-ils – adorer. Eh bien non. Les villes vous les adoptez d’emblée, ou pas. Je m’y sentais étrangère et ne comprenais pas l’engouement des touristes pour cette ville somme toute assez surfaite. Et puis, aucune trace de Vermeer, de sa lumière. Juste une ville triste. J’errais donc de canaux en canaux, prenant malgré tout quelques photos (que j’allais ensuite m’empresser d’effacer) comme pour me persuader …

Les détails

La peinture ancienne est énigmatique. On a beau tenter d’en percer les mystères, je pense que finalement, elle ne livre jamais tout. On peut passer des heures enfermé dans un musée, se planter devant une toile et la regarder jusqu’à épuisement, eh bien on en ressort souvent bredouille ou plutôt avec plein de questions. Et finalement ce n’est pas si mal. Les historiens de l’art nous éclairent, oui, et c’est tant mieux, mais seulement un peu. Car tout est question de regard, d’interprétation, de supputation. Replacer les œuvres dans leur contexte, s’intéresser à l’histoire, à la géographie, cela va de pair pour comprendre Carpaccio, Bellini, Brueghel ou Memling. N’empêche que, sauf à se télé transporter dans le passé et atterrir dans leur atelier, personne ne saura jamais vraiment … Et que dire des visages de ces peintures et des détails qui sont parfois autant de trésors pour qui veut vraiment regarder. Les détails, fabuleux indices, clins d’œil, témoignages de la vie d’alors, messages envoyés par le peintre à travers les siècles … ils me fascinent. …

Mon Brancusi

Une exposition Brancusi se tient actuellement à Bruxelles et je ne pouvais pas la rater. En effet, Brancusi – ou plutôt ses œuvres emblématiques -, j’en fis la découverte alors que j’étais encore adolescente, à la fin des années soixante-dix en Roumanie. Je voulais donc, en ce jour d’automne bruxellois qui me vit franchir les portes de Bozar dès son ouverture, retrouver mon passé. C’est idiot, je sais. Et c’est surtout beaucoup demander à une exposition. À la fin des années soixante-dix, mes parents, mon frère et moi avons en effet sillonné la Roumanie ; en DS blanche et caravane de romanichels, sabots suédois et robes brodées pour ma mère et moi, Ray-Ban Aviator et tee-shirts de couleurs pétantes pour mon père et mon frère. Notre clan d’explorateurs était soudé par une solidarité familiale à toute épreuve, l’amour de la découverte, le même humour et une liberté d’être et de penser qui n’a malheureusement plus cours aujourd’hui. L’époque, il est vrai, était joyeuse et mon avenir se bornait alors à de futures études artistiques. Après, …

Le temps de Bellini

J’aime les hasards qui n’en sont pas, les enchainements de circonstances, les ricochets que propose la vie pour finalement nous mener à ce que nous attendions sans même parfois en avoir conscience. En février dernier, je partais à Venise car Venise me manquait mais aussi parce que je voulais y découvrir une certaine peinture de Giovanni Bellini. C’était là un des buts de mon voyage. Ce qui me mena à Bellini ? La musique. Quelques mois plus tôt, en décembre et alors que je me rendais au travail, je pianotais comme à mon habitude sur l’autoradio passant de radio Classique à France Musique, cherchant une musique en accord avec le froid vif et le ciel gris-bleu, avec ce temps d’avant Noël dont la magie, même là, enfermée dans ma Lancia, était bien palpable. Je voulais Bach ou Vivaldi, je voulais une musique comme venue du ciel, une musique qui élève l’âme et transcende le temps, nous projette dans un espace mental où la médiocrité n’a plus de prise, loin de la trivialité de nos petites …

En Provence (balades, art et coins secrets …) – 1/2

Ce matin, alors que je laissais fondre sur ma langue une cuillerée de miel de garrigue (celui du Moulin Jullien à Saint Saturnin les Apt, mon préféré), je me suis dit que finalement, ce n’est pas parce que les vacances sont déjà loin qu’il ne faut pas partager adresses gourmandes et endroits secrets découverts cet été – et que j’aurais mauvaise grâce à ne pas vous livrer. Après tout, certains d’entre vous ont peut-être prévu de se balader en Provence cet automne ou de s’y rendre l’été prochain. Donc, il n’est jamais trop tard !… Comme je le laissais entendre dans mon article précédent, ces deux semaines passées en Provence ne nous ont pas vu sillonner la région comme des stakhanovistes de la découverte touristique. D’abord parce que je souhaitais ne pas trop bouger, éviter d’avaler les kilomètres enfermée dans une voiture et aussi parce que ces villages, cette campagne, je les connais. Il s’agissait plus d’une redécouverte tranquille, sans guide de voyage, sans plans, sans but précis sinon celui de se balader dans les …

Images du monde flottant

Dimanche dernier, un froid bleu engourdissait Bruxelles. L’herbe des parcs était toute givrée et les flaques d’eau ressemblaient à de petits lacs gelés. La magie de décembre enveloppait la ville et, tandis que Monsieur Bruxelles faisait filer la voiture dans les artères désertes (ah ! Bruxelles le dimanche !), je plissais les yeux de bonheur sous le soleil d’hiver, bien au chaud dans les plumes de ma doudoune. J’étais bien. Je me délectais simplement du moment présent, me laissant béatement hypnotiser par le défilé des maisons, le dégradé du ciel, le scintillement des rails du tramway sur les pavés ou la petite silhouette d’un merle furtivement apparue et disparue … Toute la ville semblait flotter, irréelle, merveilleuse, comme transformée par la baguette de quelque fée ou le souffle d’un Esprit de l’hiver. Nous filions vers le Japon … ou, plus précisément, vers l’exposition Ukiyo-e – les plus belles estampes japonaises au musée du Cinquantenaire. Après une petite demi-heure de traversée citadine, nous avons franchi les arcades du Cinquantenaire sous les chevaux du quadrige du Brabant – d’un …

On ne change pas

Hier soir, alors que je rentrais du travail, la voiture en quasi pilote automatique, je pianotais sur l’autoradio passant d’une station à l’autre sans m’y arrêter plus d’une seconde. Je n’étais pas d’humeur à écouter les nouvelles, pas d’humeur à écouter la Traviata, pas d’humeur à écouter mon émission favorite de jazz. En fait, je n’étais d’humeur à rien. Ma journée n’avait pas été mauvaise, non. Elle avait juste été maussadement inintéressante. Une journée morne coincée au travail alors que dehors c’est encore l’été. Oui, je sais, d’aucuns diront que mes propos ne sont pas ceux d’un adulte. Je sais … N’empêche que moi, quand il fait beau j’ai envie « d’aller jouer dehors »… Et c’est peut-être pourquoi, le hasard (le hasard ?) m’a fait écouter une chanson sur laquelle mon oreille s’est arrêtée. Une chanson de … Céline Dion. « On ne change pas », une chanson des années 90. Une chanson que j’adore en vérité. Et sans honte aucune ; même si, à l’époque de sa sortie, le CD 2 titres – dont j’avais fait l’acquisition en catimini …

Cucurrucucù

J’ai toujours pensé que dans la vie, pour les grandes comme les petites choses, tout est une question de moment. Le bon moment, le moment juste, le moment opportun ou plutôt, le moment où l’on est prêt. Prêt à lire un livre qui va transformer notre regard sur le monde, prêt à apprécier tel compositeur (qu’on détestait jusqu’alors), prêt à découvrir telle personne (à l’opposé pourtant de ceux que l’on jugeait – un peu étroitement – trop différents de nous) … Là non plus il n’y a pas de hasard. La vie agence toutes nos expériences comme les pièces d’un puzzle, nous adoucit, nous rend plus indulgent mais également nous renforce, nous mène, mine de rien, vers ce qui nous est essentiel, ce qui répondra à nos questions, ce qui nous correspondra … Enfin, pour moi en tous cas. Il y a quelques semaines, à une heure avancée de la nuit (j’ai, par nature, des horaires espagnols), je sirotais doucement une verveine. Il fallait que j’aille me coucher – le lendemain j’avais école – mais …

Haïkus d’hiver avec une tasse de thé

Dimanche après-midi. Tout est calme. Première journée de vacances, de vacance, de liberté … journée entre parenthèses, comme suspendue avant le départ demain pour la campagne. Une journée pour moi. Un peu égoïste. L’hiver tarde à venir. La douceur de l’air me déprime. Je veux du froid bleu, des ours polaires, des étoiles de givres et du thé brulant … Qu’à cela ne tienne, je fais « comme si » : j’allume des bougies, parfume l’appartement aux clémentines corses – pour moi synonymes de Noël -, je baisse légèrement les stores sur le gris du ciel puis je fais bouillir l’eau du thé et enfin, attrape dans ma bibliothèque mes recueils de haïkus. Car l’hiver aussi a ses haïkus … C’est décidé je vais de ce pas m’enrhumer pour voir la neige Sampû Dans les yeux du chat la couleur de la mer un jour ensoleillé d’hiver Yorie Ah ! lune d’hiver Depuis ce temple sans porte Que le ciel est haut Yosa Buson  L’ombre solitaire d’un héron immobile – il va neiger Sei’ichi Teshima Soleil couchant – Tout …

Rendez-vous au musée

Il y a dans la vie d’étranges hasards, des coïncidences, des concordances de temps et d’espace qui nous prouvent qu’effectivement … rien n’arrive par hasard, que nos émerveillements, nos découvertes, toutes nos rencontres sont liés, reliés par des fils invisibles qui tout en s’enchevêtrant, nous tirent, nous poussent, nous enveloppent et nous accompagnent. Et parfois cela se manifeste par de tout petits clins d’œil … Il y a quelques années, je devais participer à un séminaire en Norvège. Le vol qui emportait les autres participants vers Stavanger étant complet, je voyageais seule – et m’en réjouissais ; ouf, un peu de liberté ! – et devais faire escale à Amsterdam – et cela aussi me réjouissait tant j’aime les avions et les aéroports. J’avais emporté Le voyage à Venise de Philippe Beaussant parce que j’ai toujours un livre en cours et parce que l’avion est, selon moi, l’endroit au monde le plus propice à la lecture. Pourquoi avais-je choisi ce roman ? Je ne sais plus. Parce qu’il y était question de Venise dont je revenais ? Sans doute. …