Auteur : Virginie M.

Un restau à Venise ? Quelques adresses …

« Dis Virginie, tu aurais une liste de bons restaus à nous conseiller à Venise ? On y sera la semaine prochaine ! » Bien souvent, on me pose cette question et je m’exécute de bonne grâce me faisant d’ailleurs presque un devoir de prouver, via mes bonnes adresses, que Venise n’est pas le parc d’attraction que certains imaginent mais une ville bien vivante où l’on trouve de bonnes tables très loin des pièges à touristes. Car il y a à Venise de bons restaurants, pas forcément très chers, et fréquentés d’ailleurs par les vénitiens eux-mêmes ; ce qui ne peut être qu’un gage de qualité et d’authenticité. J’ai le souvenir d’une collègue, celle-là même qui avait « très mal mangé » à Bruges, me disant qu’à Venise les pizzas étaient exécrables. Je n’avais rien répondu mais avait pensé : ben oui ma cocotte mais tout dépend de l’endroit où tu t’es restaurée ! Car Venise, malheureusement, n’échappe pas à la loi du profit sur le dos des touristes à qui l’on sert d’ignobles piatti di pasta et autres pizze dans des décors à …

Nostalgie

Il y a des jours comme ça. J’avais quitté le boulot tardivement, à cette heure où les couloirs et le parking souterrain redevenus déserts en deviennent presque effrayants. Plus personne, une ambiance d’après la bombe, calme mais anormale. J’étais seule et pas mécontente de l’être. Tout le monde avait quitté le navire hormis les vigiles qui devaient à cette heure siroter une bière confortablement installés dans leur PC sécurité. J’étais crevée, amère et dégoutée. Il y a des jours comme ça, de ces jours où l’on se sent coincés, ayant dû subir la médiocrité et la méchanceté ambiante. J’avais lentement regagné ma voiture et une fois à l’air libre, les grilles ouvertes sur la liberté, j’avais respiré un peu mieux, m’étais calée sur mon siège et enclenché l’autoradio. Il n’y a qu’en voiture que j’écoute la radio. Je pianotais, m’arrêtai un moment sur la radio flamande – j’aime cette langue à la fois âpre et onctueuse, le flamand de Flandre, beaucoup plus rond et doux que celui des Pays-Bas, me repose, comme une musique – …

Une fenêtre sans barreaux

Venise, 18 juin 2024. Nous étions quinze, quinze à attendre en file indienne le long du mur de la prison, sur l’île de la Guidecca, à Venise. Soleil de plomb et pas un gramme de vent. J’étais arrivée tôt, un peu nerveuse. Il faut dire que j’avais beaucoup hésité avant de me décider. Visiter le pavillon du Vatican installé pour la biennale d’art dans cette prison pour femmes c’était autre chose que d’entrer dans un musée. J’en connaissais certes l’existence et savais même que les détenues y cultivent un potager dont elles vendent les produits chaque jeudi, là en dehors, à l’endroit même où je me tenais. Mais je n’avais jamais voulu m’y approvisionner par peur d’un certain voyeurisme dont j’aurais pu faire preuve malgré moi, car un prisonnier est par définition un être hors norme pouvant susciter une curiosité mêlée d’effroi. Je ne voulais pas de ça. Et puis, je me refusais à profiter d’elles, de leurs tomates, de leurs poivrons, pour cuisiner une ratatouille et la déguster ensuite dans le confort de mon …

La beauté du monde

C’était en février dernier. J’étais seule, toute seule dans notre maison de campagne. Je m’étais donné cinq jours pour la remettre un peu en état, nettoyer les moisissures, supprimer à la force du poignet et du carré Spontex imbibé de lessive Saint Marc les traces de la terrible inondation de novembre. Je voulais que tout redevienne comme avant, avant l’inondation, quand tout semblait immuable, à jamais rassurant et familier car il en est ainsi des maisons de campagne, ces lieux de repli où nous attends toujours un feu de bois et une tarte aux pommes, là où l’on sait retrouver à l’endroit exact où nous l’avons laissé en partant, notre gros pull, celui que l’on enfile pour fermer les volets les soirs d’hiver, ou ce livre resté ouvert à la page où notre lecture s’est arrêtée. Là, la maison m’était devenue étrangère. Seule la partie basse servant de stockage et de buanderie avait été inondée par quinze centimètres d’eau et de boue épaisse mais fermée pendant trois mois et sans chauffage – l’eau ayant noyé …

Sans Valentin à Berlin

Nous étions arrivés deux jours plus tôt, pour le travail. J’avais voyagé seule, précédant mon ami Donato, et au sortir de l’aéroport avait été surprise par un froid vif qui coupait le souffle. Nous étions en février et dans l’air flottait comme une promesse de neige et de nuits d’étoiles glacées. Je n’étais jamais venue à Berlin et pourtant il me semblait arriver en terrain connu. Mes parents y étaient venus du temps de la guerre froide, passant de l’Ouest à l’Est escortés de militaires bottés et de chiens policiers ; les rares photographies prises alors, je les avais vues et revues, et leur aventure faisait partie de l’histoire familiale. J’avais également en tête un télescopage brouillon d’images de films, celles des Ailes du désir – l’un des plus beaux films qui soit -, d’airs de l’Opéra de quat’sous, des figures du Bauhaus, des photographies d’Auguste Sander et des photographies tout court, de Berlin sous les bombes, de Berlin Est et de Berlin Ouest, de la guerre et de l’après-guerre. … Connaissance limitée, forcément, quoi que. …

Vue de Delft

Je suis allée à Amsterdam pour voir les Vermeer. Juste les Vermeer – ceux de « l’exposition du siècle », comme on l’appelle, qui se tient jusqu’en juin au Rijksmuseum. D’Amsterdam, où j’arrivais la veille, je garde le souvenir d’une ville crasseuse, de canaux sinistres, de vélos lancés à fond de train et de tramways bondés. J’eus beau me forcer à trouver quelque attrait aux maisons noires et blanches et aux ponts jetés sur le Prinsengracht, ça ne fonctionnait pas. Le ciel était maussade et mon humeur aussi. Rien dans cette ville ne me plaisait. J’en voulais même à ceux qui m’avaient conseillé une balade dans le centre historique que j’allais – disaient-ils – adorer. Eh bien non. Les villes vous les adoptez d’emblée, ou pas. Je m’y sentais étrangère et ne comprenais pas l’engouement des touristes pour cette ville somme toute assez surfaite. Et puis, aucune trace de Vermeer, de sa lumière. Juste une ville triste. J’errais donc de canaux en canaux, prenant malgré tout quelques photos (que j’allais ensuite m’empresser d’effacer) comme pour me persuader …

Un cadeau du Nouvel An

J’ai toujours associé le jour de l’An au froid, aux bleus et aux gris, au calme d’un matin de givre glacial, à la magie du ciel qui, en douce, alors que tout le monde fête à tue-tête les douze coups de minuit, nous fait basculer dans une nouvelle plage de temps, immaculé comme la neige qui se devrait alors de tout recouvrir. La neige comme une transition entre le monde de la veille et celui tout neuf d’aujourd’hui. La neige qui change tout – même si rien ne change –, nous force à lever les yeux, le nez contre la vitre, hypnotisé par la chute lente de gros flocons aussi légers que des plumes. La neige du jour de l’An, malheureusement, se fait de plus en plus rare. Ma mère aime à raconter comment son oncle Adolphe venait chez mes grands-parents le jour de l’An, ce jour des étrennes, des vœux et pour ma mère et lui, le jour des batailles de boules de neige dans le jardin. Heureux temps d’avant, si loin des vœux …

Un endroit qui me plaît

Je me suis souvent demandé pourquoi, tout comme les saumons qui remontent la rivière vers l’endroit où ils sont nés, certains reviennent toujours sur les lieux de leur enfance. Peut-être parce qu’ils retrouvent là tout ce qu’ils aiment, tout ce qui les a construits ? Vraisemblablement. Pour ma part, j’ai toujours pensé que les lieux nous façonnent et laissent en nous des traces tenaces. Et lorsque notre enfance fut heureuse – comme la mienne le fût -, les retrouver, c’est retrouver le bonheur, des paysages, des parfums, des sensations, des sons, connus, reconnus, à tout jamais familiers, qui nous rassurent et nous apaisent. Retrouver ces lieux, c’est arrêter le temps. Le passé se confond alors au présent. Nous revenons « à la maison », nous nous retrouvons. Moi, c’est dans les Vosges où je me retrouve. Et depuis quelques années, c’est là et seulement là où je veux être, où je veux retourner encore et encore. Dans les Vosges. Dans la forêt. Dans la forêt des Vosges. Je ne rêve plus d’Inde ou d’Australie, mes priorités ont bougé, …

Gourmet à manger du foin …

Monsieur Ansel qui nous aide au jardin ne s’étonne plus de mes expériences culinaires pour lesquelles je sollicite son aide : cueillette de reine des près dans le jardin abandonné de notre voisin (pour aromatiser du vin) ou de fleurs de sureau dans les branches les plus hautes de l’arbre car là elles sont plus belles (pour aromatiser un cake). Et quand je lui propose de goûter feuilles de consoude, de tilleul, de sedum, ou bourgeons de sapin, primevères et autres fleurs comestibles, il me répond invariablement avec un sourire et une moue légèrement dégoûtée, que non merci, sans façons, il n’aime pas les herbes et les salades ! Au fil des ans, même s’il s’est habitué à notre consommation de plantes qu’il doit juger étrange et bien qu’il arrose consciencieusement nos plants de roquette, d’hysope ou de capucine, il n’en goûtera jamais ne serait-ce qu’une feuille ou un pétale. Malgré tout – et cela est devenu un jeu entre nous -, je continue à lui indiquer tout ce qui se mange dans le jardin en lui …

Parfum d’helichrysums

Vendredi 22 juillet, 9h30. Il fait chaud, déjà vingt-sept degrés et la température, nous dit Météo-France, atteindra les trente-cinq degrés cette après-midi. Je devrais m’en réjouir mais préfère me calfeutrer chez moi. Je supporte difficilement cette chaleur lourde, suffocante dont je sais pourtant qu’elle ne durera pas, car nous sommes dans le Nord. Et puis, la ville empeste ; un mélange de poussière et de l’odeur caractéristique des trottoirs crasseux souillés d’urine. Il ne fait pas bon être à Lille en période de canicule. Je n’aime de chaleur que celle du sud, celle des îles grecques, leur chaleur sèche et parfumée. • À Serifos, nous traversons des paysages lunaires, ocre-jaune, sous un ciel chauffé à blanc. Quarante degrés et la sensation de cuire doucement. Sur le siège arrière de la voiture l’eau en bouteille est brûlante et ne désaltère pas. Nous roulons, toutes fenêtres ouvertes. La poussière de la route se dépose partout, sur le tableau de bord et sur nos visages. Quand nous arrêtons la voiture et coupons le moteur, le silence se fait, nous …