Loin de moi l’idée de vous donner une liste exhaustive de tous les cafés de Venise mais plutôt de partager quelques adresses que j’apprécie tout particulièrement. Car à Venise, prendre le temps de savourer un espresso, un petit gâteau ou un spritz fait selon moi partie du bonheur de vivre la ville. Quoi de mieux en effet que de déguster un café tout en étant à la fois parfaitement détendu et d’une attention extrême à tout ce qui nous entoure. Une expérience multi sensorielle comme je l’écrivais dans mon précédent article … Et puis, pour connaitre véritablement une ville, j’ai toujours pensé qu’il n’y a pas mieux que les librairies et … les cafés.
Certaines adresses ne sont plus à présenter mais, je me suis aperçue que, malgré tout, certains répugnent à s’y rendre, par snobisme sans doute – le « trop connu » devant être pour eux synonyme de vulgaire – ou par crainte d’une addition trop salée. Dans les deux cas, c’est idiot. Du troquet minuscule aux ors de chez Florian, Venise dévoile là aussi son âme à qui sait l’entrevoir. Il faut, pour cela, faire siens les endroits que l’on aime, les retrouver comme de vieux amis fidèles et profiter tout simplement de l’amertume de son café et de la douceur de son croissant, prendre le temps de regarder, d’écouter, d’absorber la vie vénitienne.
Caffè Florian

Je souris toujours intérieurement lorsque j’entends certains s’écrier « Ah, Florian ! Mais c’est complètement surfait, un cliché pour touristes ! ». Eh bien non. Certes Florian est un café mythique, le plus ancien de Venise, qui a vu défiler Goldoni, Verdi, Proust … – mais c’est avant tout un endroit absolument exquis : banquettes de velours rouge, peintures sous verre, boiseries sombres, guéridons de marbre blanc et miroirs … Ici rien n’a changé depuis le 18ème siècle et s’installer dans l’un des petits salons pour y déguster un chocolat chaud ou un capuccino, c’est remonter le temps, tout simplement, car là encore passé et présent s’entrechoquent. Et puis le décor est somptueux, l’atmosphère feutrée et la gentillesse des serveurs on ne peut plus plaisante.
Bien sûr, ce café figure dans tous les guides touristiques et parfois ses salons sont tellement bondés que l’expérience peut être décevante voire absolument atroce. J’ai ainsi le souvenir d’un après-midi de pluie et d’une envie de chocolat chaud qui me vit filer chez Florian. Malheureusement, lorsque j’arrivai, presque toutes les tables étaient occupées et je dus m’installer à côté de ce que je découvris être un groupe de chinois. Envahissement sonore et spatial assuré. Le charme du lieu ne pouvait agir … J’avalai mon chocolat songeant avec nostalgie à ce vieil anglais aperçu dans ces mêmes salons quelques années auparavant ; costume de lin grège et panama, il était lui d’une élégance discrète, en totale harmonie avec le lieu. Les barbares en jogging fluo en étaient loin …
Donc, vous l’aurez compris, Florian est à fuir en haute saison, durant le carnaval et les week-ends, périodes à haut risque d’invasion touristique auxquelles on préfèrera le plein hiver ou le début de matinée. Lors de mon dernier séjour, je m’y suis ainsi rendue dès l’ouverture pour y prendre le petit déjeuner et … j’étais la seule cliente. Bonheur décuplé que de déguster café brûlant et croissants dans l’un des petits salons déserts. Je me suis d’ailleurs surprise à soupirer d’aise.


J’avais le temps, les serveurs discutaient entre eux sous les arcades des procuraties, la lumière était belle et mes croissants à la confiture d’abricot et aux amandes – au diable la taille de guêpe – absolument divins (les meilleurs que j’ai mangés à Venise). « Calme et volupté » … une belle façon de démarrer la journée.
Alors, pas de snobisme, allez chez Florian !
Pour ce qui est des prix (on me pose souvent la question), tout est relatif et dépend de vos goûts et de vos habitudes. Pour ma part, je ne trouve pas excessif de débourser un peu plus de 20 € pour un caffé latte et deux croissants de haute volée ; le tout servi sur un plateau d’argent avec un souci du détail et de la perfection à l’image du cadre…
Caffè Florian – Piazza San Marco. Plus d’infos ici.
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Tonolo

Une référence. Pour moi, la meilleure pâtisserie de Venise. Et même s’il y a toujours foule, le service est extrêmement agréable – aucune impatience des serveuses lorsque l’on hésite entre plusieurs gâteaux. Les croissants (de toutes sortes : aux amandes, à la confiture d’abricot et au chocolat) ainsi que les petits gâteaux sont excellents, tout comme les cafés, servis dans de jolies tasses blanches et bleues.

J’aime bien m’installer au comptoir, au fond du magasin, pour déguster café et viennoiserie. On peut alors, en plus du plaisir gustatif, observer la vie de la boutique, la préparation des commandes et parfois, engager la conversation avec son voisin, vénitien habitué du lieu … Car même si Tonolo n’échappe pas aux touristes, sa clientèle est surtout vénitienne.
Les prix : seulement quelques euros pour une mini-pâtisserie (ou un croissant) et un espresso. Gâteaux individuels : environ 4 €.
Tonolo – Calle S. Pantalon, 3764 (Dorsoduro). Plus d’infos ici.
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Rizzardini

Cette toute petite et très ancienne pasticceria vaut le détour. D’abord pour son décor années vingt tout en boiseries mais également pour ses pâtisseries et ses biscuits vénitiens. Tout est très bon et on peut ici aussi prendre un café, accoudé au bar tout en échangeant quelques mots avec les serveuses adorables.

Bon nombre de vénitiens viennent y acheter leur gâteau du dimanche et là encore, le tourisme de masse n’a pas eu la peau de cet endroit qui reste authentique !
Les prix : comme chez Tonolo, très raisonnables. Seulement quelques euros pour un café sur le pouce accompagné d’une douceur.
Pasticceria Rizzardini – 1415 Calle dei Meloni (San Polo).
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Café Al Leon Bianco

Le café, à côté de « chez moi », mon café donc !
Al leon bianco est un petit café de quartier avec sa clientèle d’habitués. L’hiver, pas de terrasse et peu – voire pas – de touristes mais des gens du quartier et une ambiance de vrai café. On parle autour du bar, on s’apostrophe, on admire le chien d’un client venu boire d’un trait un ristretto, des étudiants dévorent leurs tramezzini et vous souriez du spectacle. Dehors, il pleut des cordes mais vous pourriez ici passer des heures.
L’été, c’est tout aussi agréable. La terrasse est ouverte dès 8 heures et y prendre un premier café, alors que le campo de l’Arsenal est encore désert et donc très calme, est un vrai bonheur. Mais c’est pour l’aperitivo que ce café à ma préférence. Dès 18 heures, sa petite terrasse fait le plein : des habitués, quelques touristes et des militaires – uniformes blancs et épaulettes dorées – au sortir de l’arsenal. Il vaut donc mieux s’y rendre assez tôt. Les serveuses sont sympathiques et efficaces et le spritz absolument parfait. Et puis, depuis la terrasse, vous avez vue sur le campo, la porte terrestre de l’arsenal et l’imposant lion du Pirée qui vous regarde siroter votre drink. On ne peut rêver meilleure compagnie.
Ce café propose également tramezzini et autres en-cas pour un déjeuner rapide.
Les prix : quatre malheureux euros pour un spritz. A ce tarif, on en boit deux …
Al Leon Bianco – Campo Arsenale (Castello). Plus d’infos ici.
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Rosa Salva

Une institution à Venise avec deux adresses, calle Fiubera dans le quartier de San Marco et Campo San Giovanni e Paolo qui a ma préférence. Ici encore cette pasticceria nous fait remonter le temps avec ses façades de bois vert bouteille et la typographie si particulière de son enseigne. On peut y prendre un café au bar ou s’installer dans la toute petite salle ou en terrasse.

Leurs gâteaux et biscuits (zaleti, buranelli, fregolota …) sont excellents ainsi que leurs tramezzini (au jambon, aux légumes grillés ou aux crevettes). Tout est préparé dans leurs ateliers et d’une grande fraicheur. Franchement, le meilleur endroit pour un déjeuner sur le pouce mais de qualité. D’ailleurs, Rosa Salva – qui est aussi un traiteur – organise bon nombre de réceptions dans les palais de la ville, c’est dire …
L’été, sa terrasse est très agréable et ses glaces artisanales un pur délice. Je vous recommande particulièrement le sorbet aux fruits des bois et celui au citron !
Cette adresse, bien que fréquentée par les touristes, reste elle aussi authentique et les vénitiens y ont leurs habitudes. Le bar est toujours bondé, l’atmosphère effervescente mais vous arriverez toujours à vous faufiler entre deux camarades sirotant leurs spritz bianco ou une dame un peu âgée, bien mise et le cheveu un peu trop laqué, emportant religieusement des choux à la crème joliment emballés.
Les prix : plus que raisonnables compte tenu de la qualité. Comptez environ 2 € pour un tramezzino ou un mini croissant fourré au jambon cru et 1.50 € pour une mini pâtisserie.
Rosa Salva – Campo SS. Giovanni e Paolo (Castello). Plus d’infos ici.
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San Giorgio Café

Situé sur l’île de San Giorgio juste derrière le port de plaisance, et donc assez confidentiel, ce café est l’un de mes préférés. J’aime y prendre un spritz en fin de journée car leur petite terrasse est toujours assez calme (il faut venir sur l’île ! – même si elle n’est qu’à quelques minutes de vaporetto de la place Saint Marc) et fréquentée surtout par les visiteurs ou l’équipe de la fondation Cini). Moi, je peux faire le déplacement juste pour un verre et … la vue sur le bassin de Saint Marc – de la Pointe de la Douane aux Giardini. D’ici, on contemple Venise d’un seul coup d’œil, en en étant éloigné juste ce qu’il faut comme lorsque l’on prend un peu de recul devant une toile monumentale.

Leur spritz est toujours accompagné de cichetti délicieux et très frais. Le service est à la fois cool et efficace et on vous laisse siroter votre apéritif tranquillement. Je prends donc toujours le temps, savourant chaque gorgée, chaque bouchée, les couleurs ocres et roses de la Riva degli Schiavoni dans la lumière du soir, je peux aussi griffonner quelques notes, passer un ou deux coups de fil (faisant des envieux lorsque l’on me demande « mais t’es où ? »). Ensuite, par ce qu’il faut bien rentrer, j’attends le vaporetto en admirant le ciel orangé au dessus du canal de la Giudecca … Là encore, une belle manière de terminer la journée !
Les prix : environ 5 € pour un spritz. On peut également déjeuner ou dîner (cuisine d’inspiration méditerranéenne et plats vénitiens) dans le restaurant au décor contemporain simple et chic.
San Giorgio café – Ile de San Giorgio. Plus d’infos ici.
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Café du musée Correr

Là, j’y vais moins pour le café (bon mais sans plus) que pour le lieu lui-même et la vue (la vue ! ) sur la place Saint Marc.
Ce café – pour ceux qui ne le connaitraient pas encore – est situé au premier étage du musée Correr, dans l’aile Napoléon des Procuraties. Ses fauteuils de velours prune, les délicieuses fresques de style Empire et les hautes fenêtres donnant sur la piazza font le charme du lieu. Encore une fois, je vous recommande d’y aller à l’ouverture car il n’y a personne. Et peu de monde également dehors. C’est donc l’endroit parfait pour un petit café avant d’attaquer les collections du musée ou pour simplement respirer l’air du temps – le nôtre et celui du passé -, un livre à la main et un œil sur la place Saint Marc encore calme. Et ce café étant accessible même si vous ne visitez pas le musée, vous pouvez en faire un lieu de rendez-vous avec vos amis ou juste avec vous-même (ce qui est bien aussi …).
Musée Correr – Piazza San Marco. Plus d’infos ici.
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J’aime aussi …
La terrasse sur l’eau de La Calcina

Cet hôtel qui fût mon préféré a beaucoup perdu en charme depuis sa reprise par des français propriétaires également d’un hôtel à Megève (c’est tout dire …). Je regretterai toujours l’ancien décor délicieusement suranné : boiseries sable, fresques florales en ton sur ton, bibliothèques de bois précieux regorgeant de livres anciens, fauteuils de velours passé, guéridons et gravures anciennes. C’était un hôtel d’écrivains (John Ruskin y séjourna et plus près de nous Sollers y avait ses habitudes et y écrivit bon nombre de ses romans), un hôtel pour voyageurs amoureux de Venise … Nous en sommes maintenant un peu loin. Néanmoins sa terrasse sur l’eau reste des plus plaisantes. Je vous la conseille surtout pour un apéritif ou thé d’après-midi car le restaurant n’est plus non plus celui qu’il était.
La Calcina – Fondamenta Zattere Ai Gesuati, 78 (Dorsoduro). Plus d’infos ici.
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Sulla luna

Une librairie-bistrot ou un bistrot-librairie … un peu bobo mais très sympathique. On peut prendre un thé ou déjeuner sur le pouce au milieu des livres. Leur sélection de romans graphiques et de livres pour enfants est très intéressante et le décor un mélange de simplicité brute et de raffinement. C’est l’endroit parfait pour une petite halte dans le quartier de Cannaregio et j’y retourne toujours avec plaisir pour déguster un Earl Grey bio et une part de gâteau maison. Et puis, je trouve qu’à Venise, de tels lieux font du bien. Rien ici pour attirer le touriste mais plutôt les amoureux des livres. Un endroit où il fait bon passer un moment, même seul, un livre à la main et une tasse dans l’autre tout en profitant du soleil qui inonde la pièce. Un endroit pour ceux qui furent chat (vénitien) dans une autre vie en quelque sorte …
Sulla luna – Fondamenta Misericordia, 2535, (Cannaregio). Plus d’infos ici.