Ces derniers jours, il a fait chaud. Un air brulant est remonté du sud du sud jusqu’à la mer du Nord comme une carte-postale sensitive expédiée par un amoureux des contrées arides, des soleils implacables, des paysages secs et majestueusement dépouillés. Une chaleur pour se souvenir de l’Andalousie…
Oui, je sais, j’en ai déjà parlé, et je vais sembler quelque peu obsédée, mais, bon, il y a comme ça des pays, des régions, des jardins, des maisons dans lesquels on se sent parfaitement bien et qui, sitôt découverts, nous sont déjà familiers, nous apaisent et nous rendent heureux ; la conjonction enchantée d’une certaine lumière, de la douceur de ce vent là, du parfum de ces plantes, des hommes et des bêtes qui y vivent…
Le Cortijo Opazo, point minuscule sur la carte de l’Andalousie fait partie de ces endroits magiques ; en tous cas pour moi.
L’été dernier, je voulais à tout prix fuir les ciels du nord qui restaient désespérément gris – et dieu sait pourtant si je les aime – et, comme un drogué cherche son dealer, me rendre là où je pourrais me saouler du parfum des figuiers chauffés au soleil, caresser les feuilles argentées des oliviers, me nourrir de fromage de brebis et de tomates, être assourdie par le chant des cigales… C’était un besoin vital. Monsieur Bruxelles, adepte de la pluie tiède et des chemins boueux n’avait pas à discuter.
Me décider pour ce petit fragment de campagne andalouse a été très facile. Il m’a suffit d’étudier une carte du sud de l’Espagne, de lire avec délectation certains noms (Mulhacen, Orgiva, Pico Veleta, Granada, Pampaneira…), de constater que les contreforts sud de la Sierra Nevada étaient presque vierges – justes mouchetés de quelques villages – et devaient donc être calmes, loin des hordes de touristes de la Costa del Sol, pour que j’élise cette région comme destination refuge. Nous restait à trouver le pied à terre idéal ; ce fut – via Sawday’s (que je vous recommande) – chez Robert et William (deux anglais absolument charmants) : le Cortijo Opazo. Une surprise, un bonheur.
Entre Pitres et Portugos, une route large comme vos deux bras tendus – presque un chemin – mène à leur maison, une ancienne ferme typique de l’Alpujarra – peu d’ouvertures et d’épais murs de pierre pour se protéger du soleil l’été et des vents glacés l’hiver. Notre gite occupe le rez de chaussée et s’ouvre sur une très large terrasse couverte et ombragée par une glycine. A notre arrivée, Robert nous offre un thé et nous fait faire le tour du propriétaire : la maison et … le jardin.
Une splendeur de jardin anglais qui aurait pris ses quartiers d’été dans la montagne la plus rude et la plus aride que l’on puisse imaginer. Le contraste est saisissant. L’une des extrémités de notre terrasse s’ouvre sur un foisonnement de roses, d’agapanthes, de sedums, de lavandes (The Secret Garden). Juste à côté, une chambre de verdure avec en son centre un petit bassin et le glouglou tout frais de l’eau ; nous sommes dans le jardin circulaire (Circular Walk), point central qui mène par un chemin de terre à un espace sauvage en terrasse (The Camino Garden) où se mêlent graminées, prunus, cerisiers, lys et romarin – et qui s’ouvre par intervalles sur un paysage sauvage à couper le souffle.
Devant nous, au delà de la terrasse, la montagne descend en pente douce couverte d’herbes sèches, d’agaves et de muriers sauvages. Plus loin, au-delà de la boucle de la route-chemin, des chèvres, des brebis, un berger. Le calme absolu. Juste le bruit du vent dans la chaleur encore étouffante de la fin d’après-midi. Nous nous regardons Monsieur Bruxelles et moi conscients – et béatement heureux – d’avoir atteint le rêve que nous faisions d’un havre de perfection : simplicité, beauté, ciel immense et calme infini.
Nous avons passé là trois semaines de pur bonheur. Randonnées le matin avant que la chaleur soit trop insupportable, déjeuners de berger andalou, lecture et dessin, ballades dans les villages blancs, déserts et silencieux.
Et, le soir, avant le spectacle de la voie lactée, de ses étoiles filantes (devinez les vœux que j’ai formulés !) et de la lune orange, nous savourions les dîners préparés avec beaucoup de raffinement par Robert ou William. Leur gazpacho andaluz était un délice !
Toute cette région est préservée, comme hors du temps. Mais n’était-elle pas au 15ème siècle le refuge des derniers morisques ? – cette idée me plait bien. Depuis, les morisques ont été remplacés par des familles anglaises bohèmes, des peintres et des musiciens… ça aussi ça me plait bien.
Ainsi, à Mecina Fondales, Lars Pranger, un céramiste suédois, revisite la technique et les motifs de la céramique traditionnelle de l’Alpujarra. L’influence nordique est visible dans le graphisme, notamment de son bestiaire, du bleu, du blanc, un bel équilibre des formes ; c’est tout simplement beau.
Ici les villages sont tranquilles, leurs ruelles empruntées par les seuls habitants (très très peu de touristes) et l’habitat traditionnel bien vivant : belles et austères maisons cubiques aux toits couverts de terre grise et parfois reliées entre elles par des passages couverts (tinaos). Et dans chaque village, une fontaine, quelques chats bravant la chaleur, le bruit du vent et le parfum des figuiers annonciateurs d’un jardin, petite oasis luxuriante, que vous devinez avant de le voir…
Tous ces villages sont reliés entre eux par un réseau de sentiers entre oliviers et amandiers. Nous y avons fait de merveilleuses ballades et des haltes très gourmandes – il nous suffisait de cueillir amandes, mûres ou pêches … et de rapporter une pleine brassée de menthe sauvage pour le thé du retour.
Plus haut, vers les sommets de la Sierra Nevada, dépouillement et chaleur extrême.
Plus loin, Grenade et … l’Alhambra (je vous en parlerai dans un prochain article).
J’ai toujours été persuadée du pouvoir incroyable des lieux et de l’influence qu’ils peuvent avoir sur nous. Certains nous attendent, attendent que nous les atteignions ; comme s’ils savaient mieux que nous qu’ils nous sont destinés.
Là encore, j’en ai eu la preuve. Il n’y a pas de hasard…
Et vous quel est votre endroit refuge ?
Pour ceux qui veulent s’y rendre :
Cortijo Opazo
Ctra. Atalbeitar s/n, 18415 Pórtugos, Granada, Espagne
Téléphone :+34 646 43 06 56
Nous nous sommes fait des amis !
Hello Virginie,
Superbes photos qui donnent vraiment envie de découvrir cette région ! Pour moi, mon refuge loin du stress de la ville, c’est l’Irlande. C’est très loin du soleil de l’Andalousie mais ses couleurs et la mer m’apaisent. J’y retourne chaque année depuis plus de 10 ans !
Sophie
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L’Irlande ! Il faudra que j’y aille un jour et qui sait, j’en ferai peut-être un autre refuge.
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Ah quel bonheur….Virginie, j’avais presque les larmes aux yeux en lisant ce post! Je connais ce village, j’habite dans la vallée de Lecrin. Las Alpujarras sont oui, très spéciales et un endroit de toute beauté, retiré du monde, sauf pour certains villages très touristiques comme vous l’aurez constaté.
Je vous pique l’adresse pour une escapade d’un week end! 🙂
ps : avant de quitter Paris pour l’Andalousie, j’aimais aussi beaucoup l’Irlande…y ai vécu pendant un an, il y a longtemps et je pensais aussi y vivre…mais…disons que l’idée du Sud et le soleil l’ont emporté!
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J’ai, comme vous avez pu le lire, un souvenir merveilleux des Alpujarras et ne rêve que d’y retourner très vite !
N’hésitez pas à passer un week-end au Cortijo Opazo ! Vous allez adorer !
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